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Soumission d'Anthony Cadoret

Selon vous quelles devraient être la ou les revendications des grèves étudiantes pour la justice climatique qui auront lieu aux printemps 2023 et 2024 ?


Bonjour,


Je m'appelle Anthony Cadoret, j’ai été impliqué pendant environ deux ans entre la grève des stages en 2019 et l’hiver 2021, principalement avec La Planète s’invite à l’Université Laval. Je suis diplômé d’un baccalauréat en science politique. Je souhaite déposer quelques réflexions sur le mouvement militant dans le cadre de la consultation ÉcoloGGI.


Revendications

Ce n’est pas facile de trouver une revendication pertinente et rassembleuse pour le milieu étudiant, je ne prétends pas y avoir la réponse, mais j’aimerais noter quelques idées.


De façon générale, j'éviterais de parler uniquement de l'environnement, comme le font les groupes environnementaux, c'est dur de mobiliser lorsque les gens ne sont pas personnellement et directement concernés. Les revendications environnementales ont tendance à être très large et il est difficile de trouver un coupable, mais aussi qui devraient se mobiliser pour les revendiquer.


Je crois que les revendications doivent absolument être reliées à la condition étudiante. Une revendication de nature syndicale pourrait mobiliser les assos qui disposent des capacités de mobilisation, d’argent, structures en place et surtout la capacité de parler aux étudiant-es, dans les classes et par courriel.


Récemment, j’ai lu Le revenu de base en question : De l'impôt négatif au revenu de transition de Ambre Fournier. Peut-être que le revenu de transition pourrait lier à la fois la situation économique des étudiants et l'environnement en remplaçant l’impopulaire système des bourses tout en se donnant les moyens de la décroissance? Je l’espère, toutefois, je n’oserais pas me prononcer sans en connaître plus sur le sujet.


Miser sur des revendications locales et l’identification à l’institution


Je voulais cocher «institution d’enseignement» dans les options d’échelle de revendication, mais l’option n’y est pas!?


Je crois que les automnes pourraient servir à des revendications locales, comme les investissements des institutions d'enseignement dans les énergies fossiles et leurs implications dans des projets comme GNL Québec et Laurentia (il y a sans doute des projets écocidaires encore en vie et je suis certain que nos institutions y sont de la partie).


J’ai été impliqué avec La Planète s’invite à l’Université Laval pendant un peu plus d’un an.. Quelques-unes de nos actions visant l’Université Laval ont été porteuses.


En 2020 et 2021, nous avons contesté l’implication de l’Université Laval dans le projet Laurentia, un projet de terminal de conteneurs à Québec. Après la présentation du projet et des liens de l’UL dans le projet, c’était évident pour les étudiant-es, ça allait au contraire de ce qu’on leur enseigne. Nous avons réussi à mobiliser beaucoup d’étudiant-es sur le fait que c’était leur université qui était impliquée et en expliquant que la voix des étudiant-es était grandement symbolique pour faire pression sur une direction. Ça a marché, dans une tournée d’AG plusieurs assos, incluant les assos de campus, se sont positionnées, les étudiant-es se sont mis en action avec la population de Québec et ont donné un bon coup à la mobilisation. Finalement le projet a été vaincu quelques mois plus tard et l’apport des étudiant-es a été grandement souligné.


Pendant la mobilisation, nous avons repris le même principe pour dénoncer plus largement les actions de l’Université Laval, notamment ses investissements dans les énergies fossiles et GNL Québec, en écrivant le «Plaidoyer pour une université dont on peut être fièr-e». L'argument que les actions de notre université "tachent" nos diplômes est porteur, comme en a témoigné la popularité de la lettre ouverte qui a été diffusée avec très peu d’efforts. Les gens ont un sentiment d’appartenance à leur condition étudiante, mais aussi à leur université. Ce sentiment peut être cultivé pour mobiliser les étudiant-es.


Montréal et la GGI

Impossible de parler du mouvement étudiants en dehors de Montréal, sans parler de Montréal…Peu importe la cause, étudiante ou pas, Montréal a toujours une place de leadership, mais la réalité de Montréal n’est pas celle de Québec et probablement pas celle des régions non plus. Je pense que de parler tout de suite d’une GGI est un bon exemple. C’est peut-être réaliste à Montréal, mais on était loin d’être prêt à ça quand j’ai quitté le milieu étudiant en 2021.


Pendant la mob de la semaine de la transition (hiver 2020), ce n’était vraiment pas facile de parler d’une semaine complète de grève et certaines personnes ont même propagé un spin qu’on se préparait à une GGI avec la semaine de la transition pour faire planter les votes de grève. Ça marchait assez bien pour qu’on me le demande à plusieurs reprises si c’était vrai. Je pense qu’il ne faut pas prendre la GGI à la légère et avec les cours en ligne, ça n’aidera pas la tâche.


Je ne dis pas d’éviter de lancer un appel à la GGI, mais prenez garde que de lancer un appel à la GGI, sans y être bien préparé, peu avoir des conséquences négatives sur le mouvement. J’ai passé des centaines d’heures à préparer la semaine de la transition en 2020 à l’appel de la CEVES, surtout composée de gens de Montréal. La réalité, c’est que nous n’avons eu pratiquement aucun appui du national, même pas une personne contact. Les très peu nombreux outils qui nous étaient fournis, comme les affiches et le la proposition pour le vote de grève, étaient inadéquats et remplis de fautes de français. La proposition faisait 2 pages de long, c’était impossible de la faire lire à une assemblée de 100 personnes…


On avait peut-être 15 000 personnes ayant déjà voté la grève et probablement beaucoup d’autres (les 5000 personnes en sciences sociales n’avaient même pas encore voté), mais la réalité, c’est que nous n’avions pas l’organisation pour soutenir les assos en grève, loin de là. La plupart des votes de grèves se déroulaient avec des exécutifs complètement dépassés et clairement défavorables à la proposition. Je vais simplement dire qu'on ne s'est pas fait beaucoup d’ami-es auprès des exécutifs.


Avec la grève de la semaine de la transition, nous avons couru un grand risque de dégoûter des gens de l’idée d’une GGI, parce que nous n’étions pas suffisamment organisés.


Peut-être qu’une solution pourrait être de ne pas insister à faire voter les assos dont l’exécutif ne supportent pas les positions et de commencer avec des positions radicales pour assurer que les assos qui sont en grève la première fois soient les plus mobilisées. Ça aiderait aussi dans l'éternel dilemme entre les positions radicales ou rassembleuses. Sauf que ça, ça implique quand même une formation.


Pour résumer, il faut faire attention en faisant un appel à la GGI, car c’est à double tranchant, s’il n’y a que Montréal qui est prête, il ne faut pas lancer un appel national. Je dirais aux gens de Montréal, mais aussi ailleurs : faites attention à ce que vous dites, les gens pourraient vous suivre!


Logement étudiant

J’aimerais aussi parler du logement étudiant, je n’y connais à peu près rien au Québec, mais j’ai eu la chance de me retrouver à Lund en Suède, un peu par hasard en session à l’étranger. Le mouvement étudiant y est complètement différent. Plutôt que d’être basé sur les assos de programme, c’est plutôt les assos de logement qui mène le mouvement. Il y a des milliers de logements étudiants répartis dans une dizaine d’assos, dont les activités reflètent grosso modo des courants politiques. Ainsi, sans même y habiter, j’ai rejoint l’asso Smalands, une asso qui posséde environ 200 logements et une grande salle socioculturelle, qui était ouvertement socialiste, écologiste et queer friendly.


Ce modèle regroupant les gens par affinités, plutôt que par programme comme au Québec, était fort intéressant et permettait de rassembler les radicaux de toute la ville. Toutefois, il n’y avait pas vraiment de culture étudiantes, ce qui faisait en sorte que nous étions mobilisés dans des enjeux non étudiants… comme l’environnement. En Europe, le mouvement environnemental mise beaucoup sur la stratégie des « camps climatiques » et la désobéissance civile. Les étudiant-es, surtout étrangers, constituaient une très grande partie des participant-es (voir Ende Gelände pour la stratégie des camps climatiques). Bref, le logement étudiant est à mon avis très important pour le mouvement étudiant, mais il changera aussi certains aspects du mouvement.


Finalement, je vous invite fortement à lire le livre Printemps de force sur l’histoire du mouvement étudiant québécois, c’est un incontournable.


Bonne chance pour la suite!


Anthony Cadoret



Pour faciliter notre travail de synthèse, veuillez indiquer les thèmes abordés dans vos propositions

  • Création d'un projet porteur de changement

  • Établissement d'enseignement




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