Comme plusieurs l'ont mentionné, je vois dans la GGI, une formidable occasion pour politiser et mobiliser notre génération. Je crois que la lutte pour la justice climatique ne fait que commencer et que si ce que l'on vise est bel et bien le renversement du capitalisme, nous devons baser nos revendications et nos modes d'action sur une stratégie à long terme.
Je suis farouchement opposé à toute forme de déguisement de nos luttes. Nous serons anticapitalistes, anticoloniaux, anti-impérialistes et féministes ou nous ne le serons pas. Je suis perplexe de voir mes camarades reproduire les mêmes réflexes qu'iels dénoncent couramment. Nous sommes les premiers·ères à dénoncer le greenwashing, les élites économiques, le capitalisme sauvage, les parti politiques et nous voilà à vouloir envelopper nos revendications dans un verni réformiste et consensuel, à sacrifier la radicalité pour l'appui du nombre. Comme il est dur de se défaire de cette idée !
Bien sûr, cette grève a bien peu de chance d'être révolutionnaire dans le sens où elle mènerait à une révolution. Néanmoins, elle ne doit pas se contenter d'exprimer des demandes au gouvernement. Au contraire, elle doit miner sa crédibilité.
On dira : il n'existe pas, en ce moment, de mouvement de masse résolument anticapitaliste et antiétatique au Québec.
Je répondrai : il n'existera que si nous osons le créer.
Celleux qui fuiront lorsque nous oserons nommer et dénoncer le Capital, je ne veux pas les avoir dans nos rangs. Lorsque viendra le temps d'intensifier la lutte, ce sont les premiers·ères qui prendront leurs jambes à leur cou. Qui nous dénonceront et trahiront, qui refuseront les actes illégaux. Ne bâtissons pas nos luttes futures sur un château de sable. Ne visons que ce qui est nécessaire.
Nous ne pouvons pas *demander* la fin du capitalisme, de l'impérialisme, de l'hétéropatriarcat, etc., mais nous devons au minimum poser nos revendications dans un cadre explicitement anticapitaliste et cie.
Pourtant, le mécanisme de la grève étudiante nous oblige à formuler des demandes. Celles-ci mèneront ensuite à des réformes qui seront probablement bénéfiques à court moyen terme. L'efficacité de la grève doit toutefois se mesurer dans sa propension à permettre aux luttes de s'élargir et de s'épanouir et ainsi progresser vers un idéal de renversement du capitalisme et autres systèmes de domination.
C'est pourquoi je propose qu'une des revendications de la GGI soit de démocratiser la société québécoise.
(on peut s'imaginer un diptyque « démocratiser, décoloniser » dans l'esprit des mobilisations étudiantes pour le désinvestissement. Je laisse la formulation de la partie décoloniale à celleux qui le feront bien mieux que moi).
En redonnant le pouvoir aux citoyen·nes, on participe à créer une autonomie vis-à-vis du pouvoir de l'État. On apprend à réfléchir ensemble, dans nos différences. On crée du lien et surtout, une conscience politique. C'est là que se trouvent les germes de nos luttes à venir.
Vous savez comment c'est par la participation à la vie politique dans sa communauté, son association étudiante, son syndicat, sa coopérative de logement, etc. que se crée l'envie de lutter.
Donnons des espaces pour rendre cela possible.
La proposition doit être travaillée, mais je propose trois grands axes de démocratisations :
A. Universitaire
Les étudiant·e·s doivent être en mesure de décider du fonctionnement et des ambitions de leur université. Nous devons revendiquer des instances de décision (ex. des assemblées générales et la mise en place de divers sous-comités exécutifs) qui appartiennent aux étudiants et qui rendent obsolète l'administration par le haut.
B. Municipal
Créer des assemblées dans les quartiers des grandes villes et les villages du Québec afin de réfléchir et exécuter la transition écologique. Ces assemblées seront ouvertes à toustes les habitant·es et devront disposer d'un budget et d'une certaine souveraineté sur leur territoire.
C. PROVINCIAL
Créer quelque chose dans l'esprit de la Convention citoyenne pour le climat (France). Elle regrouperait quelques centaines de personnes du soi-disant Québec pigées au hasard et représentatives de la population qui devront définir des mesures pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 75 % d'ici 2035 par rapport à 1990 (les chiffres sont à faire réviser par des experts). Iels seront épaulées par des scientifiques et auront un an pour accoucher des mesures. Celles-ci seront ensuite soumises à un référendum populaire.
Ces instances permettraient d'offrir à la population québécoise une expérience de démocratie participative et, espérons-le, développer une culture politique antiautoritaire, humaniste et égalitariste.
(Je propose aussi d'inclure la réforme du mode de scrutin pour un système proportionnel. Bien que je sois contre le parlementarisme, il me semble primordial de se débarrasser de l'hégémonie du centre droit au Québec. Nos luttes seront d'autant plus efficaces si nous n'avons pas à nous mesurer à un gouvernement caquiste majoritaire pour les 18 prochaines années.)
Je vous entends déjà dire : « quel fou ! Cela ne fonctionnera jamais ».
Hé bien, je suis entièrement d'accord avec vous.
Mais pensons sur le long terme : je crois que ces revendications sont puissantes, car elles sont stratégiques. Si le gouvernement refuse de mettre sur pieds ces espaces démocratiques, il révèle toute son hypocrisie. La population, verra bien que le l'État ne sert que les intérêts des puissants et que la souveraineté populaire, la démocratie, n'est qu'une illusion.
Je nous imagine, dans la seconde moitié de la décennie s'adresser à nouveau à nos camarades étudiant·e·s en assemblée : « Vous vous souvenez de 2024, comment on s'est fait rire au nez. Comme la Convention citoyenne pour le climat n'a finalement été qu'une farce (comme en France). Ne pensez-vous pas qu'il est temps de durcir le ton, d'entrer en résistance ? »
Je crois que ces revendications se suffisent à elles-mêmes, elles permettent de résoudre, en partie, la tension entre le local et provincial, entre les générations, les classes sociales.
Toutefois, je crois qu'elles doivent être couplées avec une revendication plus concrète qui mobilisera les personnes moins politisées et qui insufflera une certaine dose de pragmatisme. Je reprends donc intégralement la proposition du MÉPACQ :
« Bannir les énergies fossiles d’ici 2030, autant en termes de production, de transformation, d’exportation que d’importation en s’assurant d’une transition juste et inclusive pour les communautés et les travailleuses et travailleurs ».
Comments